La création d'un jeu : Les Cités Rivales

Sommaire

Les Cités Rivales vient enrichir notre collection de jeux à deux ! Aujourd’hui, on lève le voile sur les coulisses du développement avec l’auteur Andreas Steding et l'illustratrice Annika Heller !

La carnet d'auteur

Andreas Steding

Comment tout a commencé ?

Quelle a été la première idée, le point de départ ? Le thème est-il venu avant la mécanique ?

Comme souvent dans mes jeux, tout a démarré par une anomalie historique.

En lisant un livre sur Johann Friedrich Struensee, j’ai découvert qu’en 1757, il travaillait comme médecin pour les pauvres à Altona, alors deuxième plus grande ville du Danemark. Il m’a fallu un moment pour réaliser qu’Altona était un quartier de Hambourg et non une ville danoise actuelle.

Altona appartenait autrefois aux comtes de Schauenbourg et Holstein-Pinneberg, qui ont activement soutenu son développement en opposition directe avec Hambourg. Une des légendes autour du nom "Altona" serait "all top nah" (trop proche de Hambourg). En 1640, le territoire passe à la couronne danoise, qui lui accorde davantage de privilèges.

Lorsque Altona a été fusionnée (de force) avec Hambourg en 1937, ce n’était pas dans l’intérêt de tous ses habitants. En 1928, Altona comptait 230 000 habitants, c’était une grande ville. Cette rivalité entre deux voisines devenues une seule entité, devait être dépassée.

Comment s’est déroulé le développement du jeu ? Facile ou laborieux ?

Dès le départ, Les Cités Rivales était pensé pour deux joueurs. Au début, l’idée était d’avoir une progression asymétrique entre les deux villes. Altona devait avoir des règles différentes de Hambourg.

Hambourg, vieille cité hanséatique, axée sur le commerce (les marchands) et l’artisanat (les guildes). Altona, en revanche, n’avait initialement aucune réglementation concernant les guildes, puis en a eu de très légères, moins de censure, moins de taxes douanières, plus de liberté religieuse… Tout cela a attiré les industries modernes, en particulier les manufactures de textile, la construction navale, les équipements. Bref, une économie basée sur une main-d'œuvre non qualifiée.

Mais à mesure du développement, l’asymétrie a été réduite : le jeu devenait trop complexe. Je voulais un jeu d’initié, pas d’expert.

Aujourd’hui, tous les éléments sont présents dans le jeu, mais selon la configuration et le style des joueurs, un ou deux seulement prennent le dessus. Les deux villes commencent avec les mêmes options.

Petite anecdote : un joueur habitué des jeux stratégiques, à qui j’ai expliqué les règles, a d’abord trouvé le jeu trop facile… Résultat ? Partie perdue en 5 minutes, à force de préparer un gros coup. Il a ensuite voulu rejouer trois fois dans la soirée, et là, les parties ont duré entre 30 et 45 minutes. Il faut un temps d’adaptation à cette mécanique un peu inhabituelle.

Des difficultés particulières pendant la création ?

Le plus dur ? Créer un jeu où la compétition est constante. Je ne voulais pas un jeu où chacun développe son moteur dans son coin et on compare les points à la fin. Non, il fallait un duel permanent, une observation mutuelle.

D’où le choix du pion partagé, que les deux joueurs font avancer.

Il faut donc anticiper ses propres actions et celles de l’autre. C’est ce qui a amené la règle de mort subite, peu courante dans les Eurogames. Chaque coup compte, chaque erreur peut être fatale.

Quand as-tu montré le jeu à un éditeur pour la première fois ? Et comment s’est faite la collaboration avec Deep Print Games ?

Avant Deep Print, je n’avais montré le jeu qu’à un seul autre éditeur. L’éditeur avait trouvé le jeu intéressant, mais il ne collait pas à leur ligne éditoriale. Mes jeux ne sont pas pensés pour coller aux tendances ou aux catalogues, donc c’est un rejet assez classique.

J’ai proposé le jeu à Deep Print parce qu’ils publient des jeux à deux et qu’on était déjà en contact pour un autre projet. Contrairement à d’autres éditeurs — je ne vise personne hein — ils ont pris leur décision rapidement.

Le développement a pris un peu plus de temps, sans doute encore les répercussions du Covid… ou un ou deux autres « gros » projets en parallèle.

Et l’éditeur, qu’a-t-il modifié ?

Il y a eu quelques modifications : les maisons sont devenues des bateaux pour souligner le thème maritime, et un jeton a été remplacé par des meubles. C’est tout. Visiblement, la mécanique ne nécessitait pas beaucoup de changements.

Ce que tu préfères dans le jeu, au final ?

Pour moi, le produit final dépasse mes attentes. Entre les illustrations très cohérentes et l’intérieur de la boîte avec ses quatre compartiments, c’est vraiment un bel objet, parfait pour un duel rapide.

La carnet d'illustratrice

Annika Heller

Un intérêt personnel dans la thématique

Les Cités Rivales a fait sa première apparition sur ma table en 2021. Nous y avons joué encore et encore, dès les toutes premières phases de prototype.

Jusqu’ici, j'avais surtout illustré des jeux familiaux et des jeux de cartes, j'avais envie de m’essayer à un jeu plus complexe.

J’avais aussi un intérêt personnel pour ce jeu :

Les Cités Rivales parle du conflit entre Hambourg et Altona, deux anciennes villes voisines aujourd’hui réunies, Altona étant devenue un quartier. Quand j’ai commencé à travailler sur ce jeu, j’habitais justement à la frontière — dans la première rue officiellement rattachée à Altona, juste à côté du port de Hambourg.

Des illustrations fidèles à l'histoire

J’ai donc commencé mes recherches très tôt. Le jeu couvre globalement la période de 1750 à 1900. Mais en 1842, une grande partie de Hambourg a brûlé, donc peu de bâtiments très anciens subsistent. J’ai photographié et dessiné les rares bâtiments encore debout, visité des musées, étudié les plans de la ville à différentes époques, et appris à quoi ressemblaient les navires marchands de cette époque.

Andreas, l’auteur du jeu, est historien. Je voulais que mon travail soit aussi fidèle que possible historiquement.

J’ai aussi passé pas mal de temps à rechercher les autres villes, déniché de vieilles cartes postales et des peintures de cette période, qui m’ont servi de référence.

Une mise en scène immersive

Dès le départ, j’avais une vision claire pour ce jeu : je voulais que les joueurs aient l’impression d’être assis à une table couverte de papiers, de taches d’encre, de plis, avec des outils éparpillés. Je voulais montrer cette table sur la boîte, mais pas vue de dessus. L’ambiance devait être à la fois tendue et chaleureuse — même si le jeu est conflictuel. Une sorte de négociation diplomatique dans une atmosphère cosy. La couverture a d’ailleurs été sujette à pas mal de débats, car l’équipe n’était pas d’accord sur la meilleure approche.

J’avais déjà dessiné des navires pour un autre jeu, mais les bateaux marchands historiques avec leurs milliers de cordages et de voiles représentaient un défi particulièrement stimulant. Trouver des marchandises adaptées (aujourd’hui symbolisées par des marqueurs en bois) qui étaient réellement importées et exportées à Hambourg n’a pas été simple, mais je pense qu’on a trouvé une belle solution avec des produits inhabituels mais documentés historiquement.

Les maquettes

Pour la première fois, j’ai fabriqué tous les éléments que je voulais dessiner, puis je les ai photographiés pour m’en servir de modèle.

Du matériel qualitatif et écologique

Comme toujours, on a évité le plastique au maximum, et les composants du jeu peuvent presque tous être rangés dans de petites boîtes en carton, inspirées des lourdes caisses en bois qu’on trouvait autrefois dans les ports.

J’espère que les joueurs parviendront à s’immerger dans ce conflit portuaire, même s’ils ne connaissent pas la ville magnifique et fascinante qui se cache derrière. Et qu’ils apprécieront l’attention portée aux détails dans chaque carte et chaque illustration. Ma préférée ? La boussole, sans doute.

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